Future Festivals Field Guide FR: Wiktoria Furrer et René Inderbitzin mettent en pièces la rhétorique néolibérale de développement durable
« L’amélioration de l’efficacité énergétique et la transition vers les énergies renouvelables sont importantes, mais elles ne suffisent pas pour assurer une développement durable. »
Wiktoria Furrer et René Inderbitzin sont des chercheurs et éducateurs spécialisés dans le développement durable au Zurich Knowledge Center for Sustainable Development (ZKSD). Furrer (qui a depuis rejoint la FHNW School of Education en tant que responsable de l’éducation artistique et théâtrale) a étudié les sciences politiques et les médias culturels, et est titulaire d’un doctorat en analyse culturelle. Inderbitzin est titulaire d’un baccalauréat en sciences des ressources naturelles et d’un master en sciences de la durabilité.
Q: Si on la compare à des concepts tels que la décroissance et la justice environnementale, l’éco-efficacité est la moins connue dans le débat sur le développement durable. Que signifie le terme éco-efficacité et pourquoi est-elle importante en tant que stratégie ?
A: Le rendement et la cohérence sont deux approches clés pour atténuer les crises écologiques exacerbées par l’utilisation des terres, la surconsommation des ressources et la combustion des combustibles fossiles, et l’éco-efficacité vient compléter ces pratiques. Le rendement se concentre sur l’optimisation de l’utilisation des ressources lors de la production et de l’utilisation des produits, tandis que la cohérence introduit des technologies et des processus en harmonie avec les cycles naturels, tels que les énergies renouvelables et la circularité des matériaux. Ces stratégies sont essentielles, mais elles seules ne suffisent pas à garantir un développement durable. Les améliorations au niveau du rendement sont souvent annulées par une croissance de la demande globale, phénomène connu sous le nom d’effet rebond, où les économies réalisées en termes de ressources sont souvent réinvesties dans une consommation accrue. Les améliorations en matière de cohérence, de leur côté, sont lentes et dépendent toujours de l’extraction de ressources.
La suffisance permet de remédier à ces lacunes en préconisant une réduction globale de notre consommation d’énergie et de ressources. Cette stratégie est assez simple, en théorie. Consommer en fonction de ses besoins, et non de ses désirs, et vivre ce que les chercheurs Uwe Schneidewind et Angelika Zahrnt appellent « la bonne vie », tout en respectant les limites de notre écosphère. En plus de préconiser une réduction de la consommation, la suffisance encourage une transition vers une économie de partage qui met l’accent sur la réparation et la réutilisation. Ce processus implique de « désapprendre » les croyances néolibérales qui ont contribué à la création du mythe de la croissance infinie, de créer des nouvelles pratiques sociales et d’adopter de nouveaux modèles. Nous devons prioriser les richesses immatérielles, comme le bonheur ou le temps passé avec famille et amis, si on veut maintenir notre qualité de vie et améliorer notre bien-être général.
Il est important de souligner que les pratiques d’éco-efficacité sont particulièrement cruciales dans les pays du Nord. Historiquement et encore aujourd’hui, ces pays consomment la majorité des ressources mondiales, alors que les populations du Sud en subissent les conséquences.
La suffisance permet de remédier à ces lacunes en préconisant une réduction globale de notre consommation d’énergie et de ressources. Cette stratégie est assez simple, en théorie. Consommer en fonction de ses besoins, et non de ses désirs, et vivre ce que les chercheurs Uwe Schneidewind et Angelika Zahrnt appellent « la bonne vie », tout en respectant les limites de notre écosphère. En plus de préconiser une réduction de la consommation, la suffisance encourage une transition vers une économie de partage qui met l’accent sur la réparation et la réutilisation. Ce processus implique de « désapprendre » les croyances néolibérales qui ont contribué à la création du mythe de la croissance infinie, de créer des nouvelles pratiques sociales et d’adopter de nouveaux modèles. Nous devons prioriser les richesses immatérielles, comme le bonheur ou le temps passé avec famille et amis, si on veut maintenir notre qualité de vie et améliorer notre bien-être général.
Il est important de souligner que les pratiques d’éco-efficacité sont particulièrement cruciales dans les pays du Nord. Historiquement et encore aujourd’hui, ces pays consomment la majorité des ressources mondiales, alors que les populations du Sud en subissent les conséquences.
« L’éco-efficacité signifie consommer en fonction de ses besoins, et non de ses désirs, et prioriser les richesses immatérielles comme le bonheur ou le temps passé avec famille et amis. »
Q: Au Centre de connaissances de Zurich pour le développement durable, vous avez travaillé sur des voies vers l’autosuffisance. À quoi ressemblent ces voies, et à qui s’adressent-elles ?
A: Le projet de recherche Pathways to Sufficiency, initié par le professeur d’informatique Lorenz Hilty et codirigé par le Dr Jeannette Behringer à l’Université de Zurich, est mené au Centre de Connaissances de Zurich pour le Développement Durable (ZKSD) et financé par la Fondation Hamasil. Dans le cadre de cette recherche, nous avons développé des ateliers sur la suffisance pour réunir des participant·e·s et leur permettre de collaborer sur l’élaboration d’idées et de projets. L’objectif est de favoriser une réflexion collective sur ce que signifie « une bonne vie », tout en explorant des avenues pour promouvoir des modes de vie plus durables et équilibrés.
On espère que ces exercices constituent une première étape en vers la suffisance. Nos ateliers se concentrent sur les échanges d’idées, la cocréation d’avenirs et l’apprentissage collectif, tout en explorant des stratégies pour concrétiser ces avenirs ensemble. Conçus pour un large éventail de publics, ils peuvent être adaptés à des groupes spécifiques en fonction de leurs besoins et de leurs intérêts. À ce jour, notre équipe a organisé des ateliers pour le grand public ainsi que des groupes plus ciblés tels que des écoles primaires, des étudiant·e·s en art et en design et des participant·e·s à des conférences universitaires. Plus récemment, nous avons eu l’occasion d’organiser des ateliers dans le cadre du festival NEW NOW. Nous travaillons présentement sur une série de publications pour faire connaître notre méthodologie et partager les résultats de toutes ces réflexions et collaborations.
On espère que ces exercices constituent une première étape en vers la suffisance. Nos ateliers se concentrent sur les échanges d’idées, la cocréation d’avenirs et l’apprentissage collectif, tout en explorant des stratégies pour concrétiser ces avenirs ensemble. Conçus pour un large éventail de publics, ils peuvent être adaptés à des groupes spécifiques en fonction de leurs besoins et de leurs intérêts. À ce jour, notre équipe a organisé des ateliers pour le grand public ainsi que des groupes plus ciblés tels que des écoles primaires, des étudiant·e·s en art et en design et des participant·e·s à des conférences universitaires. Plus récemment, nous avons eu l’occasion d’organiser des ateliers dans le cadre du festival NEW NOW. Nous travaillons présentement sur une série de publications pour faire connaître notre méthodologie et partager les résultats de toutes ces réflexions et collaborations.
Q: Entre l’emprise idéologique du néolibéralisme et la culture occidentale qui célèbre la consommation, quel est, selon vous, le plus grand obstacle à l’autosuffisance ?
A: Le problème fondamental réside dans un système économique basé sur l’idée de croissance infinie. Cette croyance est profondément ancrée dans notre société et entrave les changements structurels nécessaires pour rétablir l’équilibre entre l’humanité et la planète. Au niveau individuel, il est clair que le principal obstacle à la réduction de notre empreinte écologique n’est pas tant un manque de connaissances ou de motivation, mais plutôt un manque de temps. Ce manque de temps découle lui-même de pratiques qui exploitent les ressources de manière excessive et inefficace.
Q: Pouvez-vous partager un exercice simple pour aider nos lecteur·rice·s à identifier les potentiels de suffisance dans leur propre vie et dans leur pratique créative ? Quelle est la première étape ?
A: Il est indéniable que l’urgence d’agir se fait sentir. Mais comment demander aux gens d’appliquer l’autosuffisance dans leur vie, quand nos systèmes de gouvernance rendent la chose si difficile ? C’est ce qu’on appelle l’individualisation de la responsabilité, une tactique souvent associée au néolibéralisme. C’est pourquoi il est préférable de privilégier des actions collectives, que ce soit par le biais d’organisations et d’initiatives communautaires, par la participation politique active et par le vote. Il s’agit de mesures puissantes qui ont un impact bien plus profond que les petits changements que chacun peut faire individuellement. Cependant, il est également crucial d’examiner de manière critique nos choix quotidiens en matière de logement, de mobilité, d’alimentation, etc. Ça peut être un exercice enrichissant d’autoréflexion, nous permettant de nous recentrer sur nos propres valeurs plutôt que de nous comparer aux autres.
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Alexander Scholz
Alex is a Berlin-based writer, artistic director, and cultural worker. As the founder and creative director of HOLO, he helps produce and disseminate knowledge on disciplinary interstices, artistic research, and cultural transformations in the digital age. Over the years, he curated exhibitions, conferences, and educational programmes for organizations and festivals including A.C.C. (KR), Mapping (CH), MUTEK (CA), and NODE Forum for Digital Arts (DE).