Future Festivals Field Guide FR: NEW NOW Festival ingénieurs forces hyper-naturelles et imaginaires post-industriels
Forces hyper-naturelles et imaginaires post-industriels
Le premier Future Festival Lab s’est déroulé au cœur de cent hectares d’infrastructures minières abandonnées, dans un cadre spectaculaire caractérisé par d’énormes machines défraîchies et un labyrinthe de tuyaux à perte de vue. Le site, Zeche Zollverein à Essen, en Allemagne, était autrefois au cœur de la production européenne de combustibles fossiles. Aujourd’hui transformé en musée à ciel ouvert, il témoigne de l’architecture industrielle des 19e et 20e siècles et est considéré comme un trésor national. Sa pièce maîtresse, la tour emblématique du puits 12, surnommée affectueusement « la tour Eiffel » par les habitants, domine le complexe. Cette impressionnante structure en acier de 55 mètres de haut, un chef-d’œuvre d’ingénierie des années 1920, contribue largement à la renommée de Zollverein comme l’une des mines de charbon les plus magnifiques au monde. En 2001, l’UNESCO a inscrit Zollverein sur la liste du patrimoine mondial.
À son apogée, Zollverein employait plus de 8 000 mineurs entre les deux guerres mondiales et extrayait 3,2 millions de tonnes de charbon par an. Aujourd’hui, le site est dédié à l’art et à la culture. Après la fermeture de la mine en 1986, un plan a été mis en œuvre pour préserver son architecture unique et l’utiliser à des fins publiques. Aujourd’hui, Zollverein abrite des musées, des théâtres et plus de 150 entreprises créatives, faisant de ce lieu un centre culturel animé et un exemple remarquable de réaménagement post-industriel pour toute la région.
À son apogée, le site extrayait plus de 3,2 millions de tonnes de charbon par an. Aujourd’hui, Zollverein dédié à l’art et à la culture.
NEW NOW, notre hôte actuel, représente peut-être l’initiative la plus audacieuse visant à relier le passé et l’avenir de Zollverein. Lancé en 2021 sous la direction artistique de Jasmin Grimm, ce festival semi-annuel d’art numérique explore l’histoire du site à travers les nouvelles technologies et les pratiques créatives émergentes. Il aborde des questions épineuses telles que : Que peut nous enseigner une ancienne mine de charbon sur les systèmes de croyance et les structures de pouvoir sous-jacents aux régimes d’extraction, passés et présents ? Quels sont les véritables coûts sociaux et environnementaux des technologies que l’on considère comme inévitables ? Comment peut-on déstabiliser ce cycle insoutenable de croissance économique infinie avant que la planète n’atteigne le point d’ébullition ?
Pendant le festival, NEW NOW propose des formats discursifs qui réunissent artistes, théoriciens, décideurs politiques et le public pour discuter et réfléchir ensemble. Cependant, ce sont les mois d’expérimentations artistiques qui préparent le terrain et qui donnent réellement le ton. À chaque édition, NEW NOW invite une cohorte de sept artistes en résidence travaillant avec les nouveaux médias tels que la programmation, les jeux vidéo, la robotique et l’IA, pour explorer un thème central. L’objectif est d’engager pleinement l’espace et de concevoir des visions pleines de potentiels inédits en collaboration avec lui. Par exemple, lors de la première édition, le duo Kimchi and Chips a exploré le thème « Une autre fin est possible » en créant Another Moon, un satellite à énergie solaire qui s’élevait au-dessus de Zollverein, pendant la nuit. Les lasers utilisés pour son décollage se rechargeaient durant la journée, symbolisant un avenir possible au-delà des énergies fossiles.
Cette année, le thème « Forces Hyper-Naturelles » a apporté un mélange d’espoir et d’optimisme teinté d’écofiction au festival. Les résidents ont imaginé des rencontres cyborgs où la technologie et l’écologie s’amalgament et s’entremêlent, plutôt que de s’opposer. Les cavernes de béton de Zollverein se sont transformées en habitats pour des chiens robots sauvages (AATB, Spare Pack), une flore chatoyante de déchets électroniques (Sabrina Ratté, Inflorescences), et des infestations fongiques d’IA (Daniel Franke, Gan Chimera). Le public, semblable à un amalgame d’êtres venus de l’espace, a exploré cet environnement liminal à la recherche de signes de vie parmi des échantillons de sol contaminé (Eva Papamargariti, All that is hidden) ou écouté les chants étranges de mystérieuses intelligences végétales synthétiques (Jana Kerima Stolzer & Lex Rütten, Neophyte). Il s’est téléporté jusqu’à la cime des arbres menacés (Haha Wan, Would you would you would you you••••••) pour plonger dans les éons compressés dans le charbon (Pınar Yoldaş, Time Tunnel).
NEW NOW explore l’histoire du site à travers les nouvelles technologies et les pratiques créatives émergentes et pose des questions difficiles.
Nous sommes déjà entourés d’une « hyper-nature », a fait remarquer Grimm lors du vernissage. Une grande partie de la planète, y compris son atmosphère, est altérée par la géoingénierie, et des écosystèmes entiers sont modifiés de manière irréversible. Le concept même d’« environnement » est technologisé : sans les données des satellites et les capteurs atmosphériques, nous ne pourrions pas mesurer le CO2 ou la pollution de l’air, et sans les superordinateurs, il n’y aurait pas de modèles climatiques. Grimm explique que l’idée d’une hyper-nature est inspirée du surnaturel et de la notion d’hyperréalité de Jean Baudrillard, où les mondes construits et simulés l’emportent sur l’écosphère. Elle décrit une condition post-naturelle qui reconnaît qu’il n’y a pas de retour possible à un état de pureté mythique. L’hyper-nature, au contraire, donne espoir en proposant que nous pourrions éventuellement vivre avec notre environnement toxique et cultiver de nouvelles écologies. Les implants de l’usine de Zollverein, dans cette perspective, sont comme des espèces pionnières se réappropriant l’espace dé-naturé, érodant et grugeant les divisions d’une ère révolue pour permettre l’émergence de nouveaux mondes parallèles à partir des décombres.
Le premier Future Festival Lab a été un terreau fertile pour l’introspection. Cette position inconfortable de devoir rendre des comptes aux bailleurs de fonds tout en se conformant aux exigences de l’économie de l’attention, ne nous pousserait-elle pas à perpétuer des pratiques extractives à notre tour et à considérer la croissance comme un indicateur de succès ? Ensuite, est-il possible pour l’art et la musique de survivre (ou de prospérer) en dehors de l’hégémonie des plateformes ? À quoi ressembleraient les festivals si nous ralentissions la production excessive et nous concentrions davantage sur les véritables besoins de nos communautés ?
Domaines artistique : arts médiatiques, son, performance
Lieu : Zollverein, à Essen, en Allemagne
Lancement : 2021
Frequency : biannual
Visiteurs : ~10,000
Équipe : 10 personnes, plus le personnel du Zollverein
Structure : OBNL (Organisme à but non lucratif)
Financement : public, via le Ministère de la Science et de la Culture NRW
Types de présentation : conférence, exposition, performances, ateliers, résidence et programme satellite en région
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Alexander Scholz
Alex is a Berlin-based writer, artistic director, and cultural worker. As the founder and creative director of HOLO, he helps produce and disseminate knowledge on disciplinary interstices, artistic research, and cultural transformations in the digital age. Over the years, he curated exhibitions, conferences, and educational programmes for organizations and festivals including A.C.C. (KR), Mapping (CH), MUTEK (CA), and NODE Forum for Digital Arts (DE).