Future Festivals Field Guide FR: Au Mois Multi, l’avenir des festivals est mis en avant
Une mise au point pour plus de clarté
En février, à Québec, c’est le « pic de l’hiver canadien ». Les températures descendent souvent jusqu’à -15°C, et quand le vent souffle, c’est encore plus intense. Mois Multi combat ce temps glacial, chaque hiver, avec une programmation d’art et de performances multidisciplinaires audacieuse et expérimentale. Cette année, sa chaleur et sa joie ont littéralement imprégné les rues du quartier St-Roch grâce à la réalité augmentée. Les résident·e·s ont pu y voir, par exemple, l’image d’une femme de type cartoon flâner près d’un centre de loisirs ou une structure géométrique abstraite s’élever au-dessus d’une colline. Emile Beauchemin, le commissaire de Mois Multi, a décrit avec poésie l’édition 2024 du festival qui s’est tenu du 1-25 février 2024. La programmation, pour notre 25e anniversaire, offre les « monstres, martyrs et cieux » nécessaires pour nourrir l’âme et l’imagination des participant·e·s. En comparant les performances musicales, les installations et les expériences de réalité mixte à des rencontres avec des créatures magiques et des utopies idylliques, Beauchemin évoque le mythe pour expliquer comment Mois Multi « défie la prudence ».
Depuis sa fondation en 2000, Mois Multi s’est constamment investi dans la recherche-création multidisciplinaire, donnant lieu à la réalisation de 48 performances et installations expérimentales.
La première édition de Mois Multi s’est tenue en l’an 2000. Le festival était une initiative de Productions Recto-Verso, également à l’origine de Méduse, un centre d’art et une coopérative tentaculaire située à Québec. Comme plusieurs autres festivals de l’époque dont MUTEK, Mois Multi a émergé au tournant du nouveau millénaire, alors que les arts médiatiques se libéraient des formes traditionnelles telles que l’art vidéo et l’image en mouvement pour devenir des espaces d’expérimentation éphémères. Dès le début, la programmation mettait de l’avant ces nouvelles formes artistiques, avec des projets développés localement. Recto-Verso concevait des œuvres originales qui chamboulaient les scénographies traditionnelles de l’époque : des environnements et des machines étranges qui utilisaient les nouvelles technologies et impliquaient d’importantes équipes tant sur le plan artistique que technique. Des œuvres qui « défient la prudence », quoi !
Parmi les réalisations marquantes des débuts figuraient Lumens (2000-2004), une installation-performance audiovisuelle de la conceptrice d’éclairage Caroline Ross se tenant dans un cylindre sur-élevé et Machin-E (E pur, si muove!) (2001-02), une machine dadaesque de Rachel Dubuc et Berri R. Bergeron qui joue (et détruit) différents types de contenu avec une mécanique d’horlogerie. Depuis le début, Mois Multi s’est constamment investi dans la recherche-création multidisciplinaire, donnant lieu à la réalisation de 48 performances et installations expérimentales, dont LE MOBILE (2010) de Carole Nadeau, Eotone (2014) de Herman Kolgen et David Letellier, et Ashes (2018) de Martin Messier et Yro. Ces œuvres ont été présentées au Mois Multi pour ensuite voyager dans des festivals à travers le monde.
La programmation de 2024 continue dans la même veine avec des incubations d’œuvres à l’interne. Le duo d’artistes belge Club Efemeer a présenté le résultat d’un mois de résidence, Voile (2024), dans une boîte noire l’intérieur du Complexe Méduse. L’installation mettait en scène un voile lumineux délicat animé par des lasers, de la fumée et de l’obscurité, une forme immatérielle se mouvant comme un rideau dans la brise. L’artiste et compositrice Mykalle Bielinski a quant à elle proposé Warm Up (2024), une performance lors de laquelle l’artiste a construit un vélo stationnaire sur scène pour alimenter son microphone et son ordinateur portable en électricité, une vraie performance de décroissance. Dans La Nef, ancien espace culte, le sculpteur-musicien Navid Navab a joué sur un orgue à tuyaux centenaire non pas avec un clavier traditionnel, mais avec des machines et des microcontrôleurs chaotiques.
L’excentricité qui imprégnait les festivités s’est également ressentie à Volet Pro, un symposium dirigé par Amélie Laurence Fortin, programmatrice invitée. Ce symposium a pu situer la programmation du festival dans un contexte plus large en abordant des sujets comme la créativité post-générative de l’IA et la conception d’expositions virtuelles, tout en facilitant des discussions nuancées pour soutenir les écosystèmes artistiques locaux et internationaux. Directement en lien avec Future Festivals, les organisateur·rice·s de trois nouveaux festivals québécois ont partagé les moments forts de leur programmation et ce qu’iels ont appris en travaillant sur les premières éditions de leurs festivals respectifs, L’Écoute, Le Casse-Gueule, un festival organisé par des étudiant·e·s de l’Université Laval. Une conversation avec les éditeur·rice·s de BLOK, Espace, et HOLO a permis à la scène des médias indépendants de discuter à propos de son engagement envers le milieu des art et des difficultés qu’elle rencontre à trouver un public dans le contexte actuel d’économie de l’attention.
Les arts médiatiques sont souvent inadaptés pour les enfants, mais Mois Multi transforme certains des projets les plus ludiques qu’il reçoit en activités accessibles pour les plus jeunes.
Le projet ambitieux du jardin de sculptures en réalité augmentée, L’Espace suspendu, montre que Mois Multi cherche à aller au-delà d’une programmation audacieuse en visant également à rendre l’accès plus démocratique. En plus d’enrichir l’art public, ce projet a offert à plusieurs artistes venant de milieux plus traditionnels comme l’illustration et la sculpture, l’occasion d’explorer la réalité augmentée. Carol-Ann Belzil-Normand, Ludovic Boney, Cooke Sasseville, et Fanny Mesnard, qui n’avaient aucune expérience préalable avec la RA, ont été soutenu·e·s par Recto-Verso, en collaboration avec les technologues locaux ALTKEY, à toutes les étapes du projet. Ce type de programme prépare le terrain pour familiariser d’autres artistes à la RA dans le futur. Le festival consacre également une partie de sa programmation aux familles. Les arts médiatiques sont souvent inadaptés pour les enfants, mais Mois Multi transforme certains des projets les plus ludiques qu’il reçoit en activités accessibles pour les plus jeunes. Par exemple, les enfants ont pu explorer et manipuler des sons grâce à l’interactivité expérimentale et abstraite OCTOCOSM[E] (2023), un synthétiseur drone audiovisuel créé par Vincent Fillion.
L’édition de Mois Multi a représenté un point tournant pour Future Festivals. Organisée à mi-parcours du projet, elle a réuni les participant·e·s des festivals partenaires pour effectuer un premier bilan. Qu’avons-nous appris concernant nos besoins, nos aspirations, et l’état des infrastructures culturelles en général ? Quelles sont les lacunes du projet, les angles morts qui échappent à nos réalités (principalement occidentales) et que nous n’avons pas encore explorés ? Ces découvertes ont-elles modifié nos visions initiales pour l’avenir, et surtout, comment pouvons-nous les mettre en œuvre concrètement ?
Domaines artistiques : Art multidisciplinaire et électronique
Lieu : Kébec / Québec, Canada
Lancement : 2000
Fréquence : Annuel
Visiteurs : 8000 à 10 000
Équipe: 5 permanents, 30 temporaires, 35 bénévoles
Structure : OBNL (organisme à but non lucratif)
Financement : Public (national, provincial, municipal)
Types de représentation : Spectacles, expositions, performances, art public, conférences
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Alexander Scholz
Alex is a Berlin-based writer, artistic director, and cultural worker. As the founder and creative director of HOLO, he helps produce and disseminate knowledge on disciplinary interstices, artistic research, and cultural transformations in the digital age. Over the years, he curated exhibitions, conferences, and educational programmes for organizations and festivals including A.C.C. (KR), Mapping (CH), MUTEK (CA), and NODE Forum for Digital Arts (DE).
Greg J. Smith
A writer and cultural worker based in Hamilton, Canada, Greg is an editor for HOLO and his writing has appeared in publications including Creative Applications Network, Musicworks, and Back Office. He is also a PhD candidate within the Department of Communication Studies and Multimedia at McMaster University, where he is researching the emergence of the programmable drum machine in the early 1980s.